Lors des élections fédérales de 2023, 251 noms figuraient sur 30 listes pour la course au Conseil national dans le canton de Genève – 75 de plus qu'en 2019. Parmi ces candidatures, 48 pour cent étaient féminines. A l'instar de l'élection au Conseil des Etats, où la droite souhaitait reprendre a minima un des deux sièges occupés par la gauche, les discussions ont tourné autour des alliances et apparentements possibles au sein des blocs de gauche et de droite, afin de maximiser les chances de conserver la majorité des douze sièges à pourvoir. A gauche, on souhaitait capitaliser sur le résultat de 2019, quand le score canon des Vert-e-s avait permis de glaner six sièges (3 pour les Vert-e-s, 2 pour le PS, 1 pour Ensemble à Gauche), alors qu'à droite, tous les partis nourrissaient des espoirs de progression, rendue envisageable par une éventuelle alliance, tout en voulant éviter de jouer les porteurs d'eau pour leurs partenaires.
Dans le camp écologiste, le contexte, moins favorable qu'en 2019, quand les grèves du climat avaient joué un rôle majeur dans le succès engrangé, faisait craindre une élection compliquée. Pour autant, cela n'a pas découragé les sortants Nicolas Walder, Delphine Klopfenstein Broggini et Isabelle Pasquier-Eichenberger. Lors d'un entretien commun dans la Tribune de Genève, les trois élus écologistes ont souligné la nécessité de poursuivre leur travail pour le climat, la justice sociale et la défense des droits humains, mais aussi pour défendre les intérêts genevois dans la politique des transports notamment, notant que l'aménagement ferroviaire figurera au menu de la prochaine législature.
Au PS aussi, les sortantes et sortants ont brigué un nouveau mandat: Laurence Fehlmann Rielle et Christian Dandrès espéraient voir un ou une troisième camarade les accompagner sous la coupole, récupérant le troisième siège perdu en 2019. Pour ce faire, le conseiller administratif de la ville de Genève Sami Kanaan faisait figure de favori, fort de son expérience exécutive, mais aussi de son vécu fédéral en tant que vice-président de l'Union des villes suisses et président de la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse. Les noms du président du parti cantonal et député Thomas Wenger, de la députée Lena Strasser ou de la violoncelliste Estelle Revaz ont également été cités parmi les papables par la Tribune de Genève. Le PS a axé sa campagne sur les propositions liées à la politique du travail – réformes de l'assurance-chômage afin de mieux protéger les travailleurs, indexation des salaires à l'inflation, transparence des rémunérations afin de réduire les inégalités et renforcement de l'assurance perte de gain (APG).
A l'extrême gauche de l'échiquier politique, la professeure d'université Stefania Prezioso Batou (Union populaire), élue suite au désistement de Jocelyne Haller en 2019, a décidé de ne pas se représenter. Le siège de la coalition de la gauche radicale se retrouvait ainsi en grand danger, d'autant plus que celle-ci, minée par des querelles intestines entre les différentes formations de la coalition, venait de perdre sa représentation au Grand Conseil lors des élections cantonales d'avril 2023. Pour l'élection au Conseil national, SolidaritéS (SOL), le parti du travail (PdT) et Droit au logement (DAL) ont refusé un sous-apparentement des listes avec l'Union populaire. Contrairement à 2019, la gauche de la gauche est donc partie désunie dans la bataille électorale.
Les forces de gauche ont néanmoins su faire la part des choses pour conclure un grand apparentement entre les listes d'Ensemble à Gauche (SOL - PdT - DAL), des Vert-e-s, du PS et de l'Union populaire, ceci afin d'éviter de perdre complètement les voix des listes n'atteignant pas le quorum naturel.
A droite, la question d'une alliance s'est également rapidement posée, et a provoqué d'âpres débats au sein des partis. Malgré les divergences d'opinion sur certains sujets – les positions du PLR et du Centre sur la politique européenne et l'immigration sont diamétralement opposées à celles de l'UDC et du MCG – les stratèges étaient bien conscients que des apparentements rapporteraient des sièges supplémentaires. Particulièrement réticent à l'idée d'une alliance lors des élections cantonales d'avril 2023, le Centre a fait volte-face, craignant ne pas atteindre le quorum naturel nécessaire à conserver son unique siège s'il partait seul dans la bataille. Cette stratégie opportuniste n'a pas plu à tout le monde au sein du parti cantonal, l'ancien président Bertrand Buchs décidant de démissionner plutôt que de s'allier à l'UDC. Cependant, pour l'élu centriste sortant Vincent Maître, candidat à sa réélection, «toute dynamique qui peut faire gagner les partis du Centre et de la droite était bonne à prendre». Pour justifier l'alliance, il a souligné que le Centre partage les positions de la droite sur de nombreux dossiers, comme la fiscalité ou les questions économiques. Pour le PLR, le président de la section cantonale Pierre Nicollier a déclaré sans ambages au journal Le Temps que «cet apparentement est mathématique et non politique, les divergences restant identiques». «Il s’agit d’obtenir le plus de sièges possibles, la réflexion n’est pas plus profonde que ça», a-t-il précisé. Centre, PLR, UDC et MCG se sont donc accordés sur un apparentement de leurs listes au Conseil national, mais aussi sur une stratégie commune aux Etats. Pour la première fois depuis 1987, les principaux partis de droite sont ainsi partis unis dans la course à la Berne fédérale. Restait à savoir qui allait profiter des voix à partager au sein de l'alliance.
Dans le camp libéral-radical, la sortante Simone de Montmollin a fait figure de tête de liste. Le parti avait l'ambition de décrocher un troisième siège, malgré le départ après seize années sous la coupole de Christian Lüscher. Même son de cloche du côté de l'UDC: on comptait sur la locomotive électorale Céline Amaudruz, à Berne depuis 2011, pour tirer la liste en avant et récupérer un troisième strapontin. A ses côtés, le pharmacien Thomas Bläsi avait pour objectif de poursuivre son mandat débuté en mai 2023 à la suite du départ d'Yves Nidegger. Parmi les candidatures figurait également Charles Poncet, conseiller national libéral entre 1991 et 1995 et connu pour avoir été l'avocat de la famille Kadhafi durant la crise diplomatique entre la Suisse et la Lybie en 2008.
Enfin, le MCG avait lui aussi un politicien charismatique et connu du grand public comme tête de liste, en la personne du tout frais ex-conseiller d'Etat Mauro Poggia, candidat aux deux chambres. Le parti populiste visait la reconquête de son siège abandonné en 2019, un siège occupé d'ailleurs par Mauro Poggia entre 2011 et 2013. La campagne du MCG a porté sur son thème de prédilection, l'emploi, dénonçant l'augmentation du nombre de travailleurs frontaliers et leur attrait pour les salaires suisses.
Malgré le risque que cela constituait pour leur unique siège, les Vert'libéraux ont de leur côté refusé le jeu des apparentements, ne souhaitant pas s'allier «avec des forces militant contre de bonnes relations entre la Suisse et l’Union européenne, mettant ainsi en péril certains des ingrédients clés du succès, en particulier économique, de la Suisse et de Genève». Le sortant Michel Matter, également candidat aux Etats, s'est cependant montré optimiste dans la presse, martelant que «le parti ne cesse de grandir en Suisse», et que la section genevoise «a connu la progression la plus forte de toutes les sections vert'libérales». Médecin de profession, Michel Matter a notamment prôné le courage d'agir pour la réforme de l'assurance-maladie, positionnant le PVL comme le parti à même de dégager des majorités de par sa position au centre de l'échiquier politique.
A noter encore la candidature sur une liste indépendante dénommée Liberté de l'activiste Chloé Frammery, connue pour son opposition aux mesures sanitaires prises par la Confédération durant la pandémie de Covid-19. Cette dernière a conclu un apparentement avec l'UDF et le PEV, ainsi qu'avec la liste du candidat malheureux à l'élection au Conseil d'Etat d'avril 2024, l'indépendant Philippe Oberson.
Le 22 octobre, jour de l'élection, Genève n'a pas dérogé aux tendances observées sur le plan fédéral. La grande alliance de droite a été couronnée de succès, avec deux sièges supplémentaires. La surprise est venue du fait qu'ils sont tous deux tombés dans l'escarcelle du MCG, qui a récolté 9.75 pour cent des voix (+4.37 points de pourcentage (pp) par rapport à 2019). Après une législature d'absence, le parti n'existant que dans le canton de Genève a fait un retour triomphal sous la coupole, avec, pour la première fois, deux représentants. Ce résultat a été ensuite magnifié par l'accession de Mauro Poggia (20'385 voix au national) au Conseil des Etats lors du second tour. Déchu en 2019, Roger Golay (10'182 voix) a ainsi retrouvé son siège à Berne, accompagné par Daniel Sormanni (8'567 voix), premier des viennent-ensuite. Résultat mi-figue mi-raisin pour les autres membres de l'alliance, qui ont conservé leurs délégations sans parvenir à décrocher de nouveaux sièges. Les sièges du PLR (15.35%, -1.89pp) sont revenus à Simone de Montmollin (32'414 voix), personnalité la mieux élue du canton, et Cyril Aellen (30'881 voix). Avec 14.20 pour cent (+1.33pp), l'UDC a talonné le PLR. Céline Amaudruz a récolté 19'618 suffrages, alors que Thomas Bläsi (14'875 voix) s'est fait devancer par Charles Poncet (15'834 voix). Après le deuxième tour de l'élection au Conseil des Etats, où Céline Amaudruz n'a pas été élue, Charles Poncet a finalement laissé sa place – «par charité» – à Thomas Bläsi, considérant que ce dernier devait poursuivre le travail entrepris, notamment sur les questions de santé. Enfin, Vincent Maître (12'659 voix) a conservé le siège du Centre (7.01%, -0.26pp).
A gauche, les Vert-e-s (12.14%, -8.74pp) ont perdu des plumes, cédant l'un de leurs trois sièges. C'est Isabelle Pasquier-Eichenberger (14'530 voix) qui en a fait les frais, alors que Nicolas Walder (15'271 voix) et Delphine Klopfenstein Broggini (15'549 voix) ont conservé leur strapontin. Sans surprise, la gauche de la gauche a perdu son unique siège. Ensemble à Gauche (SOL - PdT - DAL) a récolté 2.5 pour cent des suffrages, alors que le score cumulé des listes de l'Union populaire atteint environ 3.5 pour cent. Unie, l'extrême-gauche aurait pu conserver son siège, selon le Temps. Dans le camp socialiste, c'était un œil qui rit, un qui pleure: malgré le recul global de la gauche, le parti à la rose a réalisé le meilleur score du canton avec 17.59 pour cent (+4.04pp), augmentant sa représentation de 2 à 3 sièges. La surprise est venue de l'élection d'Estelle Revaz (19'131 voix) au détriment notamment de Sami Kanaan (18'092 voix). La violoncelliste de renommée mondiale accompagne Christian Dandrès (22'700 voix) et Laurence Fehlmann Rielle (19'033 voix) à Berne.
Esseulé entre les deux blocs, le PVL de Michel Matter (9'547 voix) a perdu son siège, malgré un score honorable de 5.16 pour cent (+0.69pp.). Pour ce qui est des listes restantes, la liste MCG Assurés, sous-apparenté avec la liste principale, a obtenu plus de 2 pour cent des suffrages, offrant ainsi une contribution significative au succès du parti populiste. Les autres listes n'ont pas dépassé les 2 pour cent des voix.
La participation lors de l'élection s'est montée à 40.82 pour cent.
En conclusion, la délégation genevoise au Conseil national pour la législature 2023-2027 est composé de 3 PS, 2 PLR, 2 UDC, 2 MCG, 2 Vert-e-s et un élu du Centre.