Lors de la session d'hiver 2024, le Conseil des Etats a accepté tacitement d'entrer en matière sur la révision totale de loi sur les douanes (LD). Lors de la discussion par article, la chambre haute s'est globalement positionnée en faveur d'un renforcement du rôle de l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF), d'une simplification des processus et d'un allègement de la bureaucratie. Sans pour autant remettre toutes les modifications en question, le Conseil des Etats s'est toutefois positionné plusieurs fois contre des décisions du Conseil national, notamment en ce qui concerne les redevances d'importation, l'importation et la réexportation de graisses et huiles végétales ou animales, ou encore concernant la traçabilité des métaux précieux.
Pour commencer, la majorité de la Commission de l'économie et des redevances (CER-CE), représentée par Thierry Burkart (plr, AG) a soutenu une grande partie des amendements du Conseil national. Cependant, elle a aussi tenté de revenir sur certaines modifications votées par la chambre basse au printemps 2024. En particulier à l'article 6 let. e, la commission a proposé de supprimer la modification, acceptée par le Conseil national, de la définition des redevances d'importation. Selon le rapporteur de la commission Thierry Burkart, cette modification entraîne une non-conformité du droit suisse avec les règles de l'OMC. Toutefois, contre l'avis de la majorité de la commission, le Conseil des Etats a adopté, par une courte majorité de voix bourgeoises (22 voix contre 17 et 4 abstentions), cet amendement qui avait été impulsé par les milieux économiques, en particulier par le secteur agro-alimentaire.
Ensuite, la CER-CE a proposé de revenir sur l'article 13 du projet de loi. La commission a jugé nécessaire de rétablir l'obligation de déclaration des marchandises non soumises aux droits de douane, que le Conseil national avait supprimée. Elle a estimé que cette suppression serait contre-productive, car elle entraînerait un nombre accru de contrôles des camions de marchandises. Le Conseil des Etats a suivi l'avis de sa commission de s'en tenir au projet du Conseil fédéral.
Le débat s'est poursuivi autour de la déclaration des marchandises, notamment à l'article 14, alinéa 5. Une minorité menée par le député Fabio Regazzi (centre, TI) a proposé de modifier la décision du Conseil national sur la responsabilité de la déclaration des marchandises. Alors que le Conseil national a prévu que l'importateur puisse choisir lui-même qui effectuera la déclaration en son nom, Fabio Regazzi souhaite limiter ce droit aux entreprises assujetties à la TVA. Au nom de la majorité, Thierry Burkart s'est opposé à cette proposition, tout comme le Conseil fédéral, en soulignant que cela entraînerait une charge administrative supplémentaire, des retards dans la livraison des marchandises et des pertes de revenus pour la Confédération. Finalement, le Conseil des Etats a choisi par 24 voix contre 17 de biffer cette proposition minoritaire ainsi que celle du Conseil national, choisissant ainsi de s'en tenir au projet du Conseil fédéral. Par ailleurs, à l'article suivant, Fabio Regazzi a émis une proposition individuelle d'introduire une déclaration facilitée pour les envois de marchandises non critiques. Soutenue en chambre par le socialiste Carlo Sommaruga (ps, GE) ainsi que par plusieurs associations économiques, cette proposition a été acceptée par 33 voix contre 6. Enfin, en optant pour le projet initial plutôt que pour les amendements du Conseil national, le Conseil des États a décidé de restaurer l’efficacité du programme DaziT à l’article 17, affaibli par les modifications du Conseil national au printemps.
Le Conseil des États s'est ensuite concentré sur le rôle et les prérogatives de l'OFDF. A l'article 104, la chambre haute a suivi la position du Conseil national, accordant à l'OFDF des compétences élargies, notamment en matière de contrôle des personnes, malgré la réticence du député socialiste Carlo Sommaruga. Selon ce dernier, l'OFDF ne doit pas mener des mesures de police telles que le prélèvement d'empreintes digitales ou d'ADN. En ce qui concerne les métaux précieux tels que l'or, le Conseil des Etats a décidé autrement que le Conseil national, qui avait refusé que la Suisse se conforme aux normes de l'OCDE en la matière. A la tribune, Carlo Sommaruga s'est réjoui que la CER-CE ait repris les revendications de la société civile et que les normes internationales soient désormais intégrées. Finalement, le Conseil des Etats s'est penché sur l'importation et la réexportation des graisses et huiles végétales ou animales. La majorité de la commission a souhaité, contrairement au Conseil national, maintenir des bilans séparés pour les graisses et huiles d'origine animale et végétale, rejetant ainsi leur interchangeabilité. En revanche, une minorité formée par Peter Hegglin (centre, ZG), Damian Müller (plr, LU), Fabio Regazzi (centre, TI) et Pirmin Schwander (udc, SZ) a demandé l'application du principe d'équivalence selon la pratique actuelle, bien que celle-ci ne repose sur aucune base légale. Pour conclure, le Conseil des Etats a choisi par 24 voix contre 17 de suivre la majorité de la commission et ainsi de supprimer le régime spécial du perfectionnement actif dont a bénéficié l'industrie agro-alimentaire jusqu'ici.
A l'issue du débat, lors du vote sur l'ensemble, le Conseil des Etats a accepté à l'unanimité, par 41 voix et 0 abstention, la révision de la LD. De ce fait, le projet est renvoyé au Conseil national.
Loi sur les douanes. Révision totale (MCF. 22.058)
Dossier: Modernisation et numérisation de l'Administration fédérale des douanes (DaziT)
Dossier : Révision totale de la loi sur les douanes (MCF 22.058; mise en œuvre de diverses motions)
Dossier: Demandes de renforcement du Corps des gardes-frontière et transformation de la AFD (2016–)