En réaction à l'évolution des positions sur les nouvelles techniques génomiques, un comité d'initiative, formé notamment de BioSuisse, d'Uniterre, de Stop OGM, de l'Alliance suisse pour une agriculture sans génie génétique et de l'Association des petits paysans, a lancé une initiative populaire pour garantir des aliments sans génie génétique, aussi nommée «Initiative pour la protection des aliments». Pour cela, le comité d'initiative veut, entre autres, que soit inscrite dans la Constitution l'obligation de déclaration des aliments produits au moyen de toute forme de techniques génomiques. Les initiantes et initants ont pris soin de rajouter une description précise de ce qu'ils entendent par techniques génomiques, ne se limitant pas aux seuls OGM classiques, mais faisant explicitement mention des nouvelles techniques génomiques, et c'est bien là que se situe le nerf de la guerre. Les produits issus de ces nouveaux procédés seraient ainsi également soumis à une procédure d'autorisation basée sur les risques pour l'humain, l'environnement et les animaux, comme tous les autres OGM. Finalement, cela serait aux utilisatrices et utilisateurs d'OGM d'assumer les coûts des conséquences d'une coexistence avec les cultures non-OGM. Par ce biais, le comité d'initiative veut éviter que les coûts d'une contamination des champs cultivés avec des semences non-OGM soient portés par les agricultrices et agriculteurs possédant les OGM.
Le lancement de cette initiative intervient alors que le Conseil fédéral doit soumettre une proposition législative au Parlement au sujet de ces nouvelles techniques génomiques, qu'on retrouve en français souvent sous l'acronyme NTG. Le gouvernement souhaiterait selon toute vraisemblance créer une loi spécifique pour ces NTG – qui les ferait, de facto, sortir du moratoire que connait la Suisse depuis 20 ans sur les OGM. Il faut dire que les décisions du gouvernement seront fortement influencées par la direction que prendra l'Union européenne (UE), alors qu'une libéralisation à ce sujet s'y profile. L'UE envisage de considérer deux catégories de NTG, selon l'importance des modifications apportées aux plantes. Seules les variétés NTG ayant subi beaucoup de modifications seraient concernées par la législation sur les OGM, les autres seraient considérées au même titre que les plantes traditionnelles mais devraient être étiquetées comme NTG.
Si la Suisse ne suit pas, les opposantes et opposants à cette initiative craignent des difficultés d'approvisionnement en semences non-OGM pour l'agriculture suisse. Le comité d'initiative veut à tout prix empêcher une ouverture par la petite porte des organismes génétiquement modifiés, et a lancé cette initiative pour contrer cette politique. Mais, contrairement au moratoire de 2005, cette fois-ci, les critiques des organismes génétiquement modifiés ne pourront pas compter sur le soutien de l'Union suisse des paysans (USP) qui a changé de position à cet égard. L'organisation paysanne fait aujourd'hui une distinction entre OGM de première génération et NTG, arguant qu'aucun gène étranger n'est inséré dans ces derniers et que ces techniques ne visent qu'à renforcer des caractéristiques, comme cela peut se produire naturellement. L'USP critique, de plus, les exigences élevées posées par l'initiative, qui rendrait pratiquement impossible toute culture de plantes issues des NTG. Le changement de position de l'organisation agricole semble refléter un changement plus global au sein de la société à ce sujet, alors qu'un récent sondage d'opinion commandé par Bayer et Syngenta à l'Institut gfs.bern indique qu'une majorité de la population considère ces nouvelles technologies comme «zielführend».
Du côté des critiques de ces techniques, un argument d'une autre nature se fait également entendre, à savoir la mainmise des multinationales spécialisées dans l'agrochimie. En effet, toute semence modifiée de cette manière peut être brevetée, ce qui n'est pas le cas des plantes obtenues par croisement naturel. Dans un même geste, des produits phytosanitaires créés spécialement pour chaque plante sont vendus. Le tout représente un potentiel de profit économique gigantesque et risquerait, selon les organisations actives dans le comité d'initiative, de renforcer l'emprise de l'agrochimie sur ce secteur sensible que sont les semences.
Le comité d'initiative a jusqu'au 3 mars 2026 pour récolter les 100'000 paraphes nécessaires.
Dossier: Les organismes génétiquement modifiés (OGM) en Suisse